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Le premier ministre Narendra Modi, élu en 2014, est issu d'un groupe d'extrême droite, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, Organisation Volontaire Nationale), qui entend affirmer le caractère exclusivement hindou de la nation indienne.

Selon le préambule de sa Constitution, l'Inde est une « république souveraine, socialiste, laïque, démocratique »  (« a sovereign, socialist, secular, democratic republic »).

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Le terme « secular » renvoie explicitement à la notion anglo-saxonne de secularism qui désigne « l'égale bienveillance de l’État vis-à-vis des nombreuses religions qu'abrite le pays : hindouisme, islam, christianisme, sikhisme, jaïnisme, bouddhisme, judaïsme, zorastrisme, etc. L’État n'est pas anti-religieux ni même a-religieux, mais équidistant de toutes les religions », revue L'Histoire n°289.

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En vertu du modèle anglo-saxon, l'article 25 de la Constitution stipule que « chacun dispose de la liberté de conscience et du droit de professer, de pratiquer et de propager sa religion ».

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Mais il n'y a pas de séparation de l’Église et de l’État en Inde, puisque l'hindouïsme ultra-majoritaire (79,8% de la population) n'a pas d’Église constituée et que l’État n'a jamais manifesté la moindre intention de se séparer du religieux.

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Détail de la façade du temple hindou Mînâkshî Amman de Madurai, haut de lieu de pèlerinage et l’un des plus grands temples indiens en activité. Sa construction a demandé 120 ans (de 1560 à 1680) et il est dédié à Shiva et à Minakshi, avatar de Parvati, épouse de Shiva.

Ainsi, selon l'article 30, toutes les minorités confessionnelles peuvent obtenir des subventions de l’État (tout comme les minorités linguistiques).

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Mais l'hindouisme est omniprésent dans les écoles, aux dépens des autres cultes du point de vue des minorités.

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« La religion fait partie intégrante des écoles financées par l'État dans ce pays, écrit Shaima Amatullah, de l'Institut National des Hautes Études de Bangalore. Elle se manifeste par des symboles : des images ou des idoles de divinités comme Sarasvati, Ganesh ou les gourous de diverses sectes, utilisés pour décorer les bureaux de l'administration, les salles de classe voire même les bureaux des principaux d'établissement ».

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« L'omniprésence des symboles religieux dans l'éducation indienne est normalisée. Elle passe inaperçue et n'est pas même questionnée. Ce symbolisme n'a rien d'inhabituel pour les élèves appartenant aux groupes dominants ou majoritaires, car leur vie quotidienne, en dehors de l'école, est également caractérisée par les mêmes valeurs religieuses mais pour les élèves appartenant aux communautés minoritaires, l'affichage de tels symboles et valeurs participent de leur marginalisation ».

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Or depuis 2014, le parti nationaliste hindou BJP (Bharatiya Janata Party ou Parti Indien du Peuple) est au pouvoir, avec pour ligne politique celle de l'hindutva ou « hindouïté », qui est un courant idéologique nationaliste hindou (néanmoins condamné par les hindouistes orthodoxes).

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C'est notamment de ce courant que l'assassin du Mahatma Gandhi était issu. Il reprochait à Gandhi, au nom de l'hindutva, les concessions accordées au Pakistan et à la communauté musulmane qui, selon lui, affaiblissaient l'Inde.

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La tolérance proclamée par la Constitution à l'égard des religions minoritaires est fortement mise à mal depuis l'arrivée au pouvoir du BJP.

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L'Islam, deuxième religion du pays (172 millions d'individus, soit l'équivalent de la population du Bangladesh) est ainsi directement visée par la réforme de la loi sur la nationalité du Premier Ministre Narendra Modi qui régularise les réfugiés hindous, sikhs, chrétiens, jaïns, bouddhistes, ou parsis, qui résident depuis 5 ans en Inde après avoir fui « pour des raisons religieuses » l’Afghanistan, le Pakistan ou le Bangladesh.

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Manifestation de membres de la Rashtriya Swayamsevak Sangh en soutien à la nouvelle loi sur la citoyenneté à Hyderabad, décembre 2020

Cette loi excluant implicitement les musulmans, le journal Le Monde dénonce dans un éditorial l'indifférence de la communauté internationale à l'égard des violentes manifestations d'opposition qui ont parcouru le Nord-Est du pays, entraînant des morts ainsi que des centaines d'arrestations.

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« Seuls les musulmans – près de 200 millions d’habitants, soit 14 % de la population –, sont exclus du dispositif. Ils resteront des sans-papiers, sans droits. Sous prétexte de protéger les communautés religieuses persécutées dans les pays voisins, cette loi vise à discriminer et à isoler les musulmans. Si tel n’était pas le cas, pourquoi ne pas accueillir en Inde les musulmans rohingya chassés de la Birmanie bouddhiste ? Ou les musulmans victimes d’exactions en tout genre au Sri Lanka ?

Le mouvement de protestation multiforme qui a surgi dès l’adoption de la loi a pris de court le gouvernement. Il a démarré dans le Nord-Est du pays, où les manifestants sont issus de minorités ethniques qui estiment que la réforme favorisera l’arrivée et la régularisation de migrants hindous en provenance du Bangladesh et menacera leur propre identité. Cette poussée anti-immigration dit aussi le sort misérable réservé aux tribus par le gouvernement Modi, qui rogne leurs territoires pour promouvoir des projets de développement.

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Dans le Bengale-Occidental et dans les grandes villes d’Inde, la colère trouve ses racines dans le sort réservé aux musulmans. A New Delhi, les étudiants de la Jamia, l’université musulmane de la capitale, ont lancé le mouvement de protestation. La violente répression de leur manifestation, dimanche 15 décembre, a entraîné toutes les universités du pays dans son sillage. [...]

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« Il est temps que la communauté internationale sorte de sa discrétion à propos des lynchages quotidiens de musulmans soupçonnés d’abattre des vaches, sur le coup de force au Cachemire, où les dirigeants, démocratiquement élus, sont aux arrêts depuis quatre mois et la population confinée. La poussée de colère qui secoue l’Inde depuis une semaine met à juste titre en cause l’autoritarisme du gouvernement Modi et l’idéologie raciste des nationalistes hindous.

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Cette loi sur la nationalité qui met au ban la communauté musulmane est inacceptable. Elle trahit la promesse du père de l’indépendance de l’Inde, le mahatma Gandhi, et de son premier ministre, Jawaharlal Nehru, d’un pays ouvert à la diversité, non défini par la religion. L’Inde, qui se présente comme la plus grande démocratie du monde, ne peut reléguer des millions de ses résidents de longue date dans un état de non-droit, qui plus est sur la base de leur foi. »

Le Monde, 17 décembre 2019

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