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L'école publique devient laïque

L'idée d'une école laïque est née au siècle des Lumières

« Une des apparitions de cette révolution culturelle est le grand débat qui s'instaure sur l'éducation, par des auteurs comme La Chalotais, Mirabeau, puis Condorcet qui publie les Mémoires sur l'instruction publique en janvier-septembre 1791, sous la Révolution.

 

Ces auteurs ont en commun l'idée selon laquelle il faut arracher l'instruction et l'éducation, qui visent à former des citoyens, à la férule des prêtres, et notamment des ordres religieux qui ont renoncé au monde. Ce ne sont plus des espérances dans l'au-delà qu'il faut prêcher, mais les devoirs du citoyen vivant dans ce monde ».

Michel Winock, Comment la France a inventé la laïcité.

Revue L'Histoire, juillet-août 2004, Numéro spécial « Dieu et la politique : le défi laïque ».

Dans les Cinq mémoires sur l'instruction publique, Condorcet énonçait en 1791 les principes de la future école républicaine :

L'instruction publique est un devoir de la société à l'égard des citoyens.

L'égalité est le premier élément de la félicité, de la paix et des vertus.

L'instruction doit être la même pour les femmes et pour les hommes.

L'instruction publique n'a pas droit de faire enseigner des opinions comme des vérités.

Ce n'est point ce que l'on a appris qui est utile, mais ce que l'on a retenu.

Laïcité école enlèvement des crucifix

L'enlèvement des crucifix dans les écoles de la ville de Paris, Léon Gerlier, février 1881, musée Carnavalet.

 

Les grandes étapes de la laïcisation de l'école : 1881-1886

-> neutralité des enseignements
-> neutralité des locaux
-> neutralité des enseignants

16 Juin 1881 : l'enseignement primaire devient gratuit::

 

28 Mars 1882 :

1. L'école devient obligatoire de 6 à 13 ans, pour les deux sexes.

Extraits du rapport du Sénat sur l'enseignement primaire obligatoire.

Les écoles ne sont pas encore mixtes : la mixité ne s'impose que progressivement dans les années 50.

L'école devient obligatoire jusqu'à 16 ans en1959.

2. Laïcisation des enseignements : l'instruction religieuse est supprimée

L'article 1er détermine le contenu de l'enseignement et supprime l'enseignement religieux catholique : « l'instruction morale et civique » remplace « l'instruction morale et religieuse » (l'instruction religieuse datait de la loi la loi Falloux du 15 mars 1850).

Art. 1er :

« L'enseignement primaire comprend : L'instruction morale et civique ; La lecture et l'écriture ; La langue et les éléments de la littérature française ; La géographie, particulièrement celle de la France ; L'histoire, particulièrement celle de la France jusqu'à nos jours ; Quelques notions usuelles de droit et d'économie politique ; Les éléments des sciences naturelles physiques et mathématiques ; leurs applications à l'agriculture, à l'hygiène, aux arts industriels, travaux manuels et usage des outils des principaux métiers ; Les éléments du dessin, du modelage et de la musique ; La gymnastique ; Pour les garçons, les exercices militaires ; Pour les filles, les travaux à l'aiguille. L'article 23 de la loi du 15 mars 1850 est abrogé. »

Aujourd'hui, l'enseignement moral et civique fait partie des programmes de l'enseignement primaire et secondaire.

L'article 2 fixe une journée, le jeudi (qui deviendra notre mercredi), libérée pour permettre l'enseignement religieux des familles qui le souhaitent :
Art. 2  :

« Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants, l'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires. »

 

La neutralité de l'enseignement se fait au nom de la liberté de conscience des enfants et des familles : elle obéit à un principe de liberté.

Une controverse très vive s'en suit, le camp conservateur, catholique et anti-républicain, qualifiant l'école laïque « d'école sans Dieu » et même « d'école du diable ».

Pourtant la laïcité n'est pas l'athéisme : certains républicains sont laïques et croyants. Les républicains s'opposent au contrôle de l’Église sur l’École, le débat est donc politique et non pas religieux.

 

2 novembre 1882 :

Laïcisation des locaux

Une circulaire du 2 novembre 1882 stipule que les emblèmes religieux ne doivent pas figurer dans les locaux scolaires.

30 octobre 1886, loi Goblet :

Laïcisation du personnel enseignant

La loi Goblet du 30 octobre 1886, du nom du ministre de l'Instruction publique René Goblet, parachève les lois Jules Ferry en confiant à un personnel désormais exclusivement laïque l'enseignement dans les écoles publiques.

La loi prévoit que les maîtres congréganistes seront remplacés par des instituteurs laïques dans un délai de cinq ans, et que les institutrices congréganistes, alors majoritaires, le seront au fur et à mesure que leurs postes deviennent vacants.

Le personnel enseignant sera désormais formé par l’État : « L'enseignement primaire étant devenu […] un service public analogue à tous les autres, il est incontestable que l’État a le droit de mettre dans les écoles des maîtres formés par lui […]. La laïcisation du personnel est le seul moyen d'établir dans l'école la neutralité confessionnelle qui a été le le but de la loi de 1882. » (Extrait du rapport du Sénat de février 1886.)

En 2004, la loi interdisant le port ostensible des signes religieux dans les écoles publiques par les élèves réaffirme le principe de neutralité de l'école publique.

Laïcité école Ferry Loi Goblet
Enseignement laïque instruction morale et civique

 

L'histoire par l'image :

Un modèle de l'instruction républicaine

Instruction_republicaine.png

En classe, le travail des petits, Jean Geoffroy, 1889

 

La lettre de Jules Ferry aux instituteurs

La célèbre « lettre aux instituteurs » du 27 novembre 1883 est une circulaire du ministre de l'Instruction publique Jules Ferry qui, suite au vote de la loi du 28 mars 1882 sur l’école primaire obligatoire et laïque, dans un contexte de polémique des milieux cléricaux contre la laïcisation de l’école et alors qu’il s’apprête à quitter son ministère, leur explique leurs nouveaux rôles et définit la finalité et les modalités d’une éducation morale et civique : « l'instruction religieuse appartient à la famille et l'instruction morale à l'école ».

Pour aller plus loin : l'intégralité de la lettre

 

« Les filles ont aussi droit à l'école publique »

Victor Duruy, précurseur des lois Ferry

 

L'enseignement pour tous dans la France rurale sous la IIIe République

L'école républicaine en Bretagne

Classe manuelle.png

La classe manuelle, école de petites filles (Finistère), Richard Hall, 1890.

Musée des beaux-Arts de Rennes, Dist. RMN-Grand Palais / Adélaïde Beaudoin

Le premier emploi du mot « laïcité » s'applique à l'école

Ferdinand Buisson, Dictionnaire de pédagogie, 1887 :

« Que faut-il entendre par laïcité de l'enseignement ? (…) : l'enseignement primaire est laïque, en ce qu'il ne se confond plus avec l'enseignement religieux. L'école, de confessionnelle qu'elle était, est devenue laïque, c'est-à-dire étrangère à toute église ; elle n'est plus seulement « mixte quant au culte » (…) elle est « neutre quant au culte ». Les élèves de toutes les communions y sont indistinctement admis, mais les représentants d'aucune communion n'y ont plus autorité, n'y ont plus accès. C'est la séparation, si longtemps demandée en vain, de l'église et de l'école. L'instituteur à l'école, le curé à l'église, le maire à la mairie. Nul ne peut se dire proscrit du domaine où il n'a pas entrée : c'est le fait même de la distinction des attributions, qui n'a rien de blessant pour personne ni de préjudiciable pour aucun service. »

 

A quoi ressemblait l'école de la IIIe République ?

Des photographies commentées des salles de classe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle :

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