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Chaque homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition
La laïcité permet de vivre ensemble
Le principe de laïcité en France a pour fondement l'idéal de tolérance du siècle des Lumières : après les guerres de religion qui ont ravagé le pays au XVIe siècle, après la révocation de l'édit de Nantes au XVIIe siècle, et dans un siècle, le XVIIIe, qui persécute encore les protestants, les philosophes des Lumières, qu'ils soient chrétiens, déistes ou athées combattent tous, par-delà leurs divergences, l'intolérance et le fanatisme.
Le combat des philosophes des Lumières
pour la tolérance
Contexte
L'idéal de tolérance prôné par les penseurs des lumières est le résultat des nombreuses et traumatisantes guerres de religion entre catholiques et protestants, qui sont encore persécutés en France au XVIIIe siècle.
C'est dans ce contexte où le fanatisme religieux sévit encore en France que les philosophes des Lumières et particulièrement Voltaire, luttent pour la tolérance et l'égalité des religions.
Par leur combat, ils sont des précurseurs de la laïcité : certains, comme Diderot ou le baron d'Holbach, formulent déjà la nécessité d'une neutralité de l’État et d'une séparation des pouvoirs religieux et politique.
Pour aller plus loin : Le fanatisme religieux au XVIIIe siècle, sur le site Gallica-BNF.
Voltaire : l'affaire Calas
L'Affaire Calas
La famille Calas est une famille de commerçants protestants installés à Toulouse. Le fils Marc-Antoine décide de se convertir au catholicisme (soit par conviction, soit parce que c'était la condition pour qu'il puisse poursuivre des études de droit comme il le souhaitait).
Le 13 oct 1761, il est retrouvé par sa famille pendu chez lui. La rumeur désigne son père comme le meurtrier, qui l'aurait tué pour l'empêcher de se convertir.
Le 10 mars 1762, les juges le condamnent par 7 voix sur 13 à être roué en place publique puis brûlé sur bûcher.
Le supplice de la roue consistait à briser les membres et le corps du condamné à coups de barre de fer, puis à l'attacher à une roue de carrosse suspendue, jambes et bras brisés attachés derrière le dos.
Sa femme est acquittée, mais tous ses biens sont confisqués, son autre fils Pierre est condamné au bannissement et ses 2 filles sont enfermées dans un couvent.
CARMONTELLE, Louis CARROGIS (dit) (1717-1806), La malheureuse famille Calas, 1765, musée du Louvre, Paris.
Le Traité sur la tolérance
Le combat de Voltaire
Voltaire croit d'abord à sa culpabilité et au fanatisme de ce père protestant, mais après avoir examiné l'affaire, il est convaincu de l'innocence de Calas. Les fanatiques, ce sont les juges, qui ont voulu condamner un protestant.
Il mobilise alors les philosophes et ses soutiens parmi la noblesse éclairée.
En 1763, Il publie le Traité sur la tolérance qui fait basculer l'opinion, en démontrant que Jean Calas n'a pas pu assassiner son fils.
-> extrait du chapitre 1
En 1764, après 2 ans de combat, l'arrêt qui avait condamné Calas est cassé.
Le 9 mars 1765, Calas est solennellement réhabilité à l'unanimité des juges. Sa famille est indemnisée par Louis XV.
Détail du portrait de François-Marie Arouet, dit Voltaire, représenté âgé de 24 ans en 1718 par Nicolas de Largillière.
RMN-Grand Palais (Château de Versailles).
Contenu du Traité sur la tolérance :
L'essai commence par un récit rapide et clair du procès et de la mort de Calas. Première conclusion : ou bien Calas est coupable et il est condamné pour fanatisme, ou bien il est innocent et il est condamné par fanatisme.
Voltaire plaide ensuite pour les protestants dont le retour enrichirait la France et rappelle les atrocités des guerres de religion.
Un post scriptum est ajouté après l'obtention de la révision du procès Calas, qui fut pour Voltaire une victoire de l'humanité et un espoir pour l'avenir.
Il y énonce le principe de présomption d'innocence, inscrit vingt-cinq an plus tard dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à savoir que tout homme doit être présumé innocent en l'absence de preuves, comme ce fut le cas pour Jean Calas.
Le Traité sur la tolérance ne défend pas seulement Jean Calas, c'est aussi un texte de combat contre le fanatisme religieux et un appel à la tolérance.
Voltaire était anticlérical mais il était croyant. La solution résidait pour lui, comme pour beaucoup de philosophes des Lumières, dans le déisme : la foi dans un Dieu universel sans aucun dogme ni rite imposés par une religion.
La conclusion de cet essai, la célèbre « Prière à Dieu », est un vibrant appel à la tolérance et un texte qui demeure plus que jamais d'actualité.
-> Le texte de la « Prière à Dieu » sur le site Gallica-BNF.
Jusqu'à la fin de sa vie, Voltaire lutte contre les erreurs judiciaires dues aux préjugés à l'égard des protestants, comme l'affaire Sirven en 1765 (famille injustement accusée d'avoir jeté dans un puits leur fille), ou encore en 1766 dans l'affaire du chevalier de la Barre, dont il ne pourra malheureusement pas empêcher l'exécution.
Les révolutionnaires honoreront l'engagement de Voltaire en portant ses cendres au Panthéon en 1791.
Pour aller plus loin :
- Le podcast de France culture : Ils ont pensé la laïcité, Voltaire, le précurseur (9 minutes)....
- L'affaire Calas détaillée sur le site du ministère de la justice.
Le délit de blasphème :
l'affaire du chevalier de La Barre
Monument érigé en 1907 à Abbeville sur le lieu de l'exécution du chevalier de la Barre, le 1er juillet 1766.
Ce bas relief du sculpteur Raoul Delhomme repréente la torture du jeune homme. Carte postale du début du siècle.
Condamné sans preuve pour blasphème, le chevalier de La Barre est supplicié à Abbeville le 1er juillet 1766.
Le matin il subit la question ordinaire, ses jambes sont enserrées entre des planches de bois et l'on enfonce des fers entre les planches et les genoux pour briser les os (supplice qui était celui des empoisonneurs et des parricides). La Barre après avoir perdu connaissance est réanimé mais déclare ne pas avoir de complice.
Pour qu'il ait assez de forces pour monter sur l'échafaud, il n'est pas soumis à la question extraordinaire. Il est conduit sur la Grand-Place d'Abbeville, en charrette, en chemise, la corde au cou. Dans le dos est attachée une pancarte sur laquelle était inscrit « impie, blasphémateur et sacrilège exécrable ».
Le courage du condamné est tel qu'on renonce à lui arracher la langue. Il est décapité à la hache (privilège réservé à la noblesse). Son corps est ensuite brûlé, un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire cloué sur la poitrine. Il avait 19 ans. L'émotion est telle et la crainte de troubles font qu'on renonce à poursuivre les autres accusés.
Les motifs de la condamnation
En août 1765, on découvre à Abbeville un crucifix en bois tailladé à coup d’épée. La rumeur accuse alors un groupe de jeunes aristocrates, dont le chevalier de la Barre, qui s'étaient faits remarquer pour ne pas s’être découverts lors des processions de la Fête-Dieu. Selon la rumeur, ils auraient aussi chanté des chansons irréligieuses et se seraient vantés de ne pas s’être découverts devant une procession du Saint Sacrement.
On arrête un jeune homme âgé d'à peine 15 ans et le chevalier de la Barre, 19 ans, orphelin recueilli par sa tante. Le lieutenant criminel qui les a arrêtés inculpe le chevalier de la Barre pour délit de blasphème (peut-être pour se venger de sa tante qui avait autrefois repoussé ses avances). Le chevalier nie toute responsabilité et garde confiance en ses protecteurs, parmi lesquels l'un des présidents du Parlement de Paris. Mais la découverte chez lui du Dictionnaire philosophique de Voltaire vient aggraver son cas, et Louis XV refuse sa grâce.
Les esprits éclairés de toute l'Europe, pour la plupart bons chrétiens, s'émurent de cette mort insensée. Voltaire, de son refuge de Ferney, réclama en vain la réhabilitation du chevalier.
Après cette affaire, il n'y aura plus de condamnation à mort pour blasphème en France et le délit de blasphème sera définitivement aboli à la Révolution.
L'idéal de tolérance porté par l'Encyclopédie
En 1751, quand parurent les deux premiers tomes de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Diderot définit l'enjeu de son projet :
« Le but d'une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été inutiles pour les siècles qui succèderont ; que nos neveux devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux ; et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. »
La transmission des connaissances doit permettre aux hommes de progresser, de ne pas reproduire les mêmes erreurs et d'accéder au bonheur. L'Encyclopédie n'est en effet pas un simple dictionnaire mais une véritable machine de guerre destinée à dénoncer toutes les formes d'injustices et d'inégalités et à plaider, entre autre, pour la tolérance religieuse.
Dans l'article Réfugiés, Diderot critique la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV ainsi que la persécution des protestants à son époque, en concluant :
« L'esprit persécuteur devrait être réprimé par tout gouvernement éclairé : si l'on punissait les perturbateurs qui veulent sans cesse troubler les consciences de leurs concitoyens lorsqu'ils diffèrent dans leurs opinions, on verrait toutes les sectes vivre dans une parfaite harmonie, et fournir à l'envi des citoyens utiles à la patrie, et fidèles à leur prince.
Quelle idée prendre de l'humanité et de la religion des partisans de l'intolérance ? Ceux qui croient que la violence peut ébranler la foi des autres, donnent une opinion bien méprisable de leurs sentiments et de leur propre constance. »
Portrait de Denis Diderot par son ami peintre Louis Michel Van Loo en 1767, musée du Louvre, Paris.
L'article Tolérance, particulièrement engagé, préfigure la laïcité
en ce qu'elle permet la liberté de conscience :
« Maintenir la paix dans la société contre tous ceux qui voudraient y porter atteinte, c'est le devoir et le droit du souverain ; mais son droit expire où règne celui de la conscience : ces deux juridictions doivent toujours être séparées. »
Le Baron d'Holbach, dans La Politique naturelle ou Discours sur les vrais principes du gouvernement, publié à Londres en1773, énonce déjà ce qui sera le principe de la laïcité : l'indépendance et la neutralité du pouvoir politique, permettant l'égalité des religions :
« Une saine politique ordonne de tolérer dans un État toutes les religions et toutes les sectes adoptées par les citoyens, de tenir une juste balance entre elles, de ne jamais souffrir qu'aucune opprime les autres ou trouble leur tranquillité. Le gouvernement perd le droit de juger entre elles, dès qu'il se rend partie. »
Portrait du baron Paul-Henri Thiry d’Holbach par Alexander Roslin vers 1785